Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

à un vassal des Ahmedzyys. Or, ces vassaux, qui, n’étant pas de sang afghan, vivent sous l’autorité des gentilhommes, cultivent la terre et exercent les métiers, peuvent bien être malmenés par leurs seigneurs directs, sans que personne ait rien à y voir ; mais qu’un autre que leur maître lève la main sur eux, c’est là une offense impardonnable, et l’honneur commande à leur maître d’en faire une revendication aussi terrible que si le coup donné ou l’injure infligée étaient tombés sur un membre même de la famille seigneuriale. Le Mouradzyy coupable avait donc été tué d’un coup de couteau par le grand père de Mohsèn. Depuis lors, huit meurtres s’étaient accomplis entre les deux maisons, et les derniers avaient eu pour victimes un oncle et un cousin germain du héros de cette histoire. Les Mouradzyys étaient puissants et riches ; il y avait danger imminent de voir la famille périr tout entière sous la colère de ces terribles ennemis, et Mohsèn n’imaginait rien moins que de s’attaquer immédiatement à Abdallah Mouradzyy, lui-même ; un des lieutenants du prince de Kandahar et de le tuer ; action qui ferait, dès l’abord, connaître la grandeur de son courage et ne pourrait manquer de rendre son nom redoutable. Cependant, ce n’était pas encore là ce qui pressait le plus.

Son père, Mohammed-Beg, avait un frère cadet, appelé Osman, et cet Osman, père de trois fils et d’une fille, s’était acquis quelque fortune au service des Anglais, ayant été longtemps soubahdar ou capitaine dans un régiment d’infanterie, au Bengale. Sa pension de retraite, payée régulièrement par l’intermédiaire d’un banquier hindou, lui donnait, avec assez d’aisance, une certaine vanité ; en outre, il avait sur l’art de la guerre des idées obstinées, très-supérieures, suivant lui, à celles de son frère aîné, Mohammed ; celui-ci ne faisait cas que du courage personnel. Plusieurs altercations assez aigres avaient eu lieu entre les deux frères, et l’aîné, à tort ou à raison, avait trouvé le respect dû à son âge médiocrement observé. Les relations étaient donc assez mauvaises, quand, un jour, Osman-Beg, recevant la visite de Mohammed, se permit de ne pas se lever à son entrée dans la chambre. À la vue de cette énormité, Mohsèn, qui accompagnait son