se leva comme il put et prit son fusil. Mais à notre grand étonnement, toute cette multitude s’arrêta à une longue distance de nous, et quatre ou cinq cavaliers, seulement, se détachant du gros de leurs camarades, s’avancèrent vers nous, en nous faisant des signes d’amitié et indiquant de leur mieux qu’ils désiraient nous parler.
Plusieurs des nôtres étaient d’avis de sortir brusquement et d’aller leur couper la tête ; mais à quoi bon ? C’est ce que je fis remarquer, ainsi que d’autres camarades, et, après une courte discussion, tout le monde se rangea à mon avis. Nous allâmes donc au devant de ces fils de chiens, et, leur ayant fait de profonds saluts, nous les introduisîmes dans notre enceinte. Chacun s’assit par terre, de manière à former un cercle autour des nouveaux venus, que nous fîmes prendre place sur des couvertures de chevaux.
Vallah ! Billah ! Tallah ! Il y avait une grande différence entre eux et nous ! Nous, nous avions l’air de fantômes roulés dans la boue et ruisselant de misère ; eux, ils portaient de bons habits avec des fourrures, des armes brillantes et des bonnets magnifiques. Quand ils eurent pris place, ayant été chargé de porter la parole, je dis à ces maudits :
— Que le salut soit sur vous !
— Et sur vous le salut ! répondirent-ils.
— Nous espérons, repris-je, que les santés de vos Excellences ne laissent rien à désirer, et puissent tous vos cœurs être comblés dans ce monde et dans l’autre !
— Les bontés de vos Excellences sont infinies, répliqua le plus âgé des Turkomans. C’était un grand vieillard avec un nez aplati, un visage rond comme une pastèque, des poils de barbe par ci par là et des yeux en croissant de lune retournée.
— Quels ordres veulent nous transmettre vos Excellences ? poursuivis-je.
— C’est nous, dit le vieux Turkoraan, qui venons présenter une requête à vos Altesses. Vous savez que nous sommes de malheureux pères de famille, de pauvres laboureurs, esclaves du Roi des Rois et