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que nous fîmes là nous remit la joie au cœur. Le major nous appela fils de chiens parce que nous avions perdu nos fusils ; mais il nous en fit distribuer un certain nombre d’autres que l’on emprunta au régiment de Khosrova pour cette circonstance, et, nous étant cotisés pour lui faire un petit présent, la bonne harmonie se rétablit entre lui et nous. Il fut convenu qu’il ferait de notre conduite un rapport favorable au colonel pour lequel nous préparâmes encore un cadeau qui se montait à une dizaine de tomans. Ces arrangements pris, notre entrée à Meshhed fut fixée pour le lendemain.

À l’heure dite, les tambours des autres régiments déjà arrivés dans la ville vinrent se mettre à notre tête. C’était indispensable, car nous avions jeté les nôtres aussi bien que nos fusils. Une grande troupe d’officiers montés sur les chevaux que l’on avait pu trouver, se plaça derrière les tambours et ensuite nous nous avancions en aussi bon ordre que possible. Nous pouvions bien être deux à trois cents environ. Les gens de la ville, nous reçurent avec assez d’indifférence, car depuis un mois on les régalait souvent du spectacle de pareilles entrées qui n’avaient rien de bien attrayant pour eux. On nous assigna ensuite un terrain pour y camper ; mais, comme le sol en était marécageux, chacun se dispersa, espérant trouver en ville un abri et de quoi se pourvoir.

Pour moi, je me dirigeai de suite vers la mosquée des saints Imams. La dévotion m’y attirait, mais aussi l’idée que je pourrais y attraper une des portions de soupe que l’on y distribue d’ordinaire aux malheureux ; et, malheureux, j’avais des droits à prétendre l’être. L’univers entier ne connaît rien de plus beau que la vénérable mosquée de Meshhed. Sa grande coupole, sa porte somptueuse et magnifique, les clochetons élégants dont elle est flanquée, le tout revêtu, du haut en bas, de tuiles émaillées de bleu, de jaune et de noir et sa superbe cour avec le vaste bassin destiné aux ablutions, ce spectacle transporte d’admiration. Du matin au soir des multitudes de pélerins, venant de l’Iran, du Turkestan, du fond de l’Inde et des pays lointains du Roum, apportent à l’Imam Riza, (que son nom soit glorifié !) un