lui répéta à plusieurs reprises qu’il n’avait, en vérité, rien à craindre de personne, et que, désormais, sa vie était sauve, il ne parvint pas à le persuader, et alors, naturellement, la Haute Présence s’impatienta, laissa tomber sur Gambèr-Aly un regard terrible et lui dit rudement :
— Meurs donc, fils de chien, puisque tu le veux !
Et là-dessus, la Haute Présence s’en alla, et sa suite quitta l’église. Aussitôt, sans perdre de temps, Gambèr-Aly, certain que son dernier moment approchait et usant de ses ressources suprêmes, défit la pièce d’étoffe qui lui servait de ceinture, la déchira en plusieurs bandes, en fit une corde, attacha un bout de cette corde autour de son corps, et l’autre autour du tombeau, afin de pouvoir prolonger la résistance, lorsque les exécuteurs allaient venir. Il eut peur aussi, car de quoi n’avait-il pas peur ? que, pour l’enlever avec plus de facilité et sans scandale, l’on ne mêlât quelque narcotique à la nourriture que les gardiens de la mosquée lui donnaient. Il se résolut à ne plus manger du tout. Ce jour-là, il refusa donc les aliments. Les supplications les plus affectueuses de la part des prêtres, les encouragements des dévots, visiteurs ordinaires de la mosquée, et qui se faisaient tour à tour raconter son histoire, rien ne put l’ébranler. Il s’obstina.
La nuit, il ne dormit pas ; il avait l’oreille au guet. Chaque bruit, le tressaillement du feuillage des arbres que le vent touchait, la moindre chose le mettait hors de lui.
Pendant la journée du lendemain, il resta étendu sur le pavé, ne relevant la tête de temps en temps que pour voir si on n’avait pas détaché sa corde ; puis il laissait retomber son front sur ses mains et rentrait dans un demi-sommeil plein d’hallucinations menaçantes.
Cependant, dans toutes les maisons de Téhéran, sur les places, dans les bazars, aux bains on ne parlait d’autre chose que de son aventure. Les récits de sa conversation avec le Roi, colportés, augmentés, modifiés, changés, embellis de toutes manières, servaient de texte à des commentaires interminables. Les uns voulaient qu’il eût assassiné Kérym avec connaissance de cause ; les autres soutenaient