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déployées, on menaça, on fit des promesses sans nombre, on chercha des moyens termes. Tantôt la question avançait, tantôt elle reculait. Le grand-vizir était porté à la sévérité ; la mère du Roi inclinait à l’indulgence, ayant reçu une belle turquoise, bien montée et entourée de brillants d’un prix convenable. La sœur du Roi montrait de la malveillance ; mais le chef des valets de chambre était un ami dévoué ; il était contredit, il est vrai, par le trésorier particulier du palais, soit ! mais, quant au porteur de pipe ordinaire, on ne pouvait douter de son désir de voir tout finir pour le mieux. Gambèr-Aly se souciait peu de ces grands intérêts. Ses affaires commençaient à tourner assez mal et, souvent, des inquiétudes lui venaient sur son sort. Il y avait de sa faute.

Se voyant un peu gâté, il avait résolu, à part lui, de ne rien donner ni au Ferrash-Bachi, ni au pishkedmèt Assad-Oullah. Bien que, à la connaissance universelle il eût eu déjà des occasions fréquentes de réaliser des profits, il avait toujours prétendu, contre l’évidence, que son dénuement était extrême, ce qui ne l’empêchait pas d’être au jeu une partie du jour et de montrer de l’or avec assez d’ostentation. Ses deux protecteurs avaient, à la fin, ouvert les yeux. C’étaient des gens graves ; ils ne dirent mot. Cependant Gambèr-Aly s’aperçut vite qu’il n’était plus traité avec la même distinction, ni surtout avec la même affabilité. Les commissions lucratives ne lui étaient plus conférées ; elles allaient à d’autres ; les travaux durs ou astreignants, enfoncer les piquets, raccommoder les tentes, secouer les tapis, l’occupaient une bonne partie du jour. S’il se permettait, comme autrefois, d’aller rôder du côté des cuisines, le chef de service, grand ami d’Assad-Oullah Bey, le renvoyait à son quartier avec des paroles maussades, enfin, tout était changé, et le pauvre enfant sentait que les adversaires qu’il s’était créés, par la subtilité de son esprit et ses tours d’adresse, n’attendaient qu’une occasion pour faire tomber sur lui tout le poids de leur ressentiment. C’était ce que les journaux de Paris appellent une situation tendue.

Un matin que les ferrashs s’amusaient devant la porte, Gambèr-Aly,