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ceinture, et attendit modestement et les yeux baissés qu’on lui fit l’honneur de lui adresser la parole.

Le Ferrash-Bachi passa la main sur sa barbe d’un air approbateur, et, par un coup d’œil gracieux, avertit Assad-Oullah de sa satisfaction. Celui-ci s’empressa de dire :

— Le jeune homme a du mérite, il est rempli d’honnêteté et de discrétion ; je puis le jurer sur la tête de Votre Excellence. Je sais qu’il recherche les gens convenables et fuit la mauvaise compagnie ! Votre Excellence le couvrira, certainement, de son inépuisable bonté. Il fera tout au monde pour la satisfaire et nous en sommes expressément convenus.

— C’est au mieux, répondit le Ferrash-Bachi, mais, avant de conclure, j’ai une question à adresser en particulier à ce digne jeune homme.

Il prit Gambèr-Aly à part et lui dit :

— Le seigneur Assad-Oullah se conduit avec vous comme un père. Mais, avouez-le moi, combien lui avez-vous offert ?

— Que votre bonté ne diminue pas, dit ingénument Gambèr-Aly, je ne me permettrais pas d’offrir un cadeau à n’importe qui, alors que ma misérable fortune m’oblige à attendre, en comptant les jours, jusqu’à ce que j’aie pu présenter mes respects à Votre Excellence.

— Mais, au moins, tu lui a promis quelque chose ? reprit le Farrash-Bachi en souriant. Combien lui as-tu promis ?

— Par votre tête, par celle de vos enfants ! s’écria Gambèr-Aly, je ne me suis avancé en aucune manière, me réservant de prendre vos ordres à ce sujet.

— Tu as bien fait. Agis toujours aussi discrètement et tu t’en trouveras mieux. Voici le conseil désintéressé que je te donne. Pour ce qui est de moi, ne te gêne pas. Je suis trop heureux de pouvoir te servir. Mais comme tu débutes dans le monde, il te faut apprendre à rendre à chacun selon son rang sans quoi les étoiles elles-mêmes ne pourraient pas fonctionner dans le ciel, et l’univers entier serait la proie du désordre. Tu sais qu’un pishkhedmèt n’est pas un ferrash-bachi ; dès lors, tu ne peux légitimement donner au premier que la moitié juste