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— “À m’obtenir la confiance de la petite.”

— “On dit qu’elle ne parle jamais.”

— “De fait, elle n’est pas bavarde et je ne me plaindrai pas d’elle sous ce rapport. Mais elle articule quelquefois de petites phrases, et la preuve, c’est qu’elle m’a honoré d’un colloque. Vous voulez savoir ce qu’elle m’a dit ?”

— “Volontiers !” dit le baron.

— “Ce matin, comme j’écoutais toutes les lamentations, voilà ma petite personne qui tout à coup sèche ses larmes et se met à me regarder fixement. Je n’ai, je vous l’avoue, jamais eu de fatuité. À vingt ans j’étais laid et le savais ; jugez si à quarante-cinq j’ai des prétentions à me mettre à côté d’Adonis ! Cependant j’ai eu quelquefois en ma vie occasion de reconnaître que la beauté ne fait pas la séduction, ou du moins que la séduction s’en passe aisément. Sans donc être trop effrayé de cet examen, je m’empressai de donner à ma physionomie cette expression entrante qui attire tout d’abord la confiance.”

— “Oui ! dit en riant un des écouteurs, et que vous aviez le jour où Tallien sembla témoigner l’envie de vous faire décréter d’accusation.”

— “N’insistons pas sur le passé ! Bref, la petite n’imita pas le tribun, et avec une candeur toute virginale, elle me tendit la main.”

— “Peste ! dit le baron ; elle vous tendit la main ?”

— “Oui, et s’écria…”

— “Voyons ce qu’elle s’écria.”

— “Elle s’écria : “donnez-moi de l’argent pour lui !” — “Pour lui ?” dis-je un peu étonné.