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elle se mit à pleurer, mais ce fut sans amertume ; son cœur était comme fatigué par l’excès de bonheur. Elle pleurait sans doute de cette séparation subite ; mais comme elle venait de goûter la plus grande joie qu’elle eût connue de sa vie, elle n’était pas accessible encore à une véritable douleur. Ses larmes coulaient sur ses joues, comme il arrive quelquefois après un rêve délicieux dont on regrette le prestige tout en goûtant encore quelque volupté secrète dans l’examen de cette joie évanouie.

— “C’est bien étonnant ! c’est bien étonnant ! murmurait la vieille Jeanne assise à ses pieds ; je ne l’ai jamais vue ainsi.”

Au bout d’une demi-heure, Emmelina pencha sa tête dans son fauteuil et s’endormit réellement. Elle respirait doucement comme un enfant de six ans aurait pu faire, et la plus exquise sérénité se peignait sur son front lisse, uni et légèrement coloré.

Puis un bruit la réveilla…

On apportait, de la part de M. le comte Cabarot, une riche corbeille de mariage, rapidement improvisée. Mme Irnois la porta elle-même à sa fille ; mais Emmelina ne la regarda point, sourit en tournant sa tête de l’autre côté dans son fauteuil, et fit effort pour se rendormir. Est-ce qu’elle poursuivait un rêve, ou qu’elle se reposait de son bonheur ? Je ne sais.