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férent, et il ne comprenait pas pourquoi la fille du millionnaire l’avait fait entrer.

Tout ce qu’il croyait deviner, c’est que cette petite personne, fort désœuvrée et dont il croyait déjà connaître l’esprit curieux, cherchait à distraire son oisiveté en le retenant.

Pendant qu’au lieu de regarder la chambre, comme l’observation d’Emmelina semblait l’y engager, il se livrait à ces réflexions peu flatteuses pour celle qui en était l’objet, Emmelina s’était approchée de son secrétaire, avait pris une petite boîte qui était dedans et en avait tiré une vingtaine de napoléons.

— “Donne-lui cela”, dit-elle à Jeanne.

— “Voilà bien un miracle ! s’écria celle-ci… Prenez, mon cher ami ; vous êtes la première personne à qui Mademoiselle ait donné, car elle ne pense d’ordinaire à âme qui vive !… Ne soyez pas honteux, allez ! Elle pourrait vous en jeter dans la poche cent fois plus sans se faire tort. Elle ne connaît pas sa fortune, ni son père non plus ne la connaît pas, le pauvre homme !”

L’ouvrier se perdit en expressions de reconnaissance. Emmelina s’assit dans son fauteuil et, la tête appuyée sur sa main, elle parut se perdre dans la plus délicieuse des rêveries.

Elle ne regardait pas le jeune homme ; elle vivait tout en elle.

— “Mademoiselle va s’endormir, dit Jeanne tout bas ; allez-vous-en !”

Quand Emmelina releva la tête et ne le trouva plus,