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C’était tout simple ! la jeune fille ne comprenait pas un mot à ces badineries, et ne se sentait impressionnée que par le ton joyeux de la romance.

— “Ma foi ! disait le tourneur, elle est tout de même assez effrontée, Mlle Irnois ; je lui chante des drôleries à faire dresser les cheveux sur la tête, et elle ne sourcille pas !”

— “Gamin ! s’écriait Francine, est-ce que tu ne rougis pas de débaucher les jeunesses ? Je te dis que la pauvre bossue perd la tête pour toi.”

Francine n’aimait pas Emmelina. Ainsi les amours de notre héroïne n’étaient pas de celles qu’on peut nommer fortunées, il s’en fallait bien.

Quelques jours avant le mariage du comte Cabarot, de grands événements arrivèrent toutefois pour cet amour ; c’était bien peu de chose, mais l’importance des faits est toute relative. Racontons-les comme ils se sont passés et sans rhétorique.

La cuisinière eut le malheur de casser une chaise dans son antre. M. Irnois, au fond de son cœur, ne détestait pas ces incidents domestiques qui donnaient lieu à son éloquence de s’exercer pleinement. Chaque matin, en robe de chambre, il faisait la visite du maître par toute la maison, et lorsqu’il remarquait un détail défectueux, tel qu’une serviette hors de place, une bouteille débouchée, une bûche mal placée, il commençait un discours ab irato qui portait la terreur dans l’âme des coupables.

Pour éviter d’être foudroyée par une de ces pièces oratoires, la cuisinière ayant cassé sa chaise, prit conseil