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— “Mais devant toi, dit sa mère ; voilà M. Cabarot avec qui tu veux t’en aller.” Emmelina se jeta en arrière dans les bras de Jeanne, en poussant un cri d’horreur et d’effroi !

— “Je ne le connais pas, dit-elle en pleurant. Ce n’est pas lui ! Jeanne, ce n’est pas lui !”

Elle se mit à sangloter. Son père la prit dans ses bras, elle le repoussa. “Laissez-moi”, dit-elle.

On la plaça dans son fauteuil, et elle continua à pleurer sans vouloir lever la tête ni regarder son fiancé, qui maintenait toujours avec soin sur ses lèvres son sourire courtois et soumis.

Au fond du cœur, le comte Cabarot était impatienté outre mesure.

— “Quoi ! pensait-il, ce n’est pas assez d’avoir une femme bâtie comme celle que voilà ? il faut, qu’outre toutes ses difformités, je lui découvre encore une affection pour quelque fat ! J’aurai bien à faire avec cette petite personne si je veux lui redresser l’entendement. Mais patience ! J’en viendrai à bout.”

Le salon de Mme Irnois était cependant une vraie tour de Babel ; on ne savait plus qu’y devenir. Après quelques sanglots, après s’être tordu les mains, Emmelina, le visage noyé de larmes abondantes, était devenue pâle, pâle comme la mort, ses yeux s’étaient subitement ternis, elle était tombée à la renverse dans le fauteuil et s’était évanouie.

— “Voilà ma fille qui se meurt !” s’écria Mme Irnois.

— “Mille tonnerres !” hurla le fournisseur. Les deux tantes imitèrent les parents en accourant avec précipitation