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Le conseiller d’État salua plus bas qu’il n’avait fait pour le maître du logis, et en agitant sa main droite d’une manière tout à fait galante et respectueuse. Quand il releva les yeux, il chercha à deviner laquelle de ces trois personnes était la proie qu’il convoitait ; mais il comprit bientôt que la tante Julie, la plus jeune des trois sœurs, n’avait pas un profil de seize ans. Il se résolut à patienter, puis il engagea l’entretien.

— “Mon Dieu, mesdames, dit-il d’une voix doucereuse, vous voyez en moi un homme tout rond, tout d’une pièce, qui vous demande la permission d’être à son aise au milieu d’une famille qu’il estime. Sa Majesté l’Empereur, dont la sagesse et la haute bonté égalent la puissance, a daigné penser que je pourrais, par ma position, mon caractère, mes principes, assurer le bonheur de Mademoiselle votre fille, qui, par son esprit et par ses grâces, est digne de tout respect. Ne pensez-vous pas que cette auguste approbation, en me comblant de reconnaissance, vous donne en même temps des garanties certaines de ce que je suis ! Non, l’Empereur, notre glorieux maître ne voudrait pas sacrifier le bonheur d’une personne aussi intéressante que Mlle Irnois. Veuillez me considérer, Madame, comme un fils respectueux et dévoué, et, bien que notre connaissance soit un peu nouvelle, agissez-en avec moi comme vous feriez envers un ancien serviteur.”

“Voilà, se dit-il en lui-même après avoir débité ce discours, qui ne peut manquer de plaire à ces pleutres. Je leur mets la bride sur le cou, nous allons devenir compères et compagnons.”