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CHAPITRE IV

Tout le monde fut consterné, lorsque à la question de sa mère, on vit Emmelina soulever doucement la tête de côté, et dire avec un sourire ineffable de douceur et des regards brillants :

— “Oui, maman, je veux bien m’en aller.”

— “Comment ! dit M. Irnois, tu veux bien t’en aller ? Qu’est-ce que cela signifie ?… Tu veux nous quitter pour suivre ce Cabarot que tu ne connais pas ?”

— “Si fait bien, répondit la pauvre fille en secouant la tête d’un air joyeux ; si, je le connais !… Je veux m’en aller avec lui.”

Chacun se regarda ; mais plus on faisait d’efforts pour comprendre, moins on y parvenait. Il ne semblait pas possible qu’Emmelina, toujours enfermée dans la maison, ne sortant jamais, eût pu connaître l’époux que la volonté impériale imposait à ses parents.

— “Mais, dit Mme Irnois, où l’as-tu vu ?”

— “Ah ! ah !” répondit Emmelina fixement… et puis elle s’arrêta, réfléchit et reprit : “je ne veux pas le dire.”

— “Ne la contrariez pas, dit la tante Julie ; elle aura sans doute rêvé quelque chose, et demain, vous la verrez plus raisonnable ; car elle est pleine d’esprit, cette petite Emmelina. N’est-ce pas, mon bijou, que tu seras demain plus raisonnable ?”