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ces peccadilles étaient passées depuis longtemps, et d’ailleurs il n’avait jamais été en nom dans les fournitures.

Décidément l’Empereur ne pouvait lui vouloir le moindre mal. Que lui voulait-il donc ?

Mlle Julie Maigrelut fut la première à ouvrir un avis important sur cette question nouvelle ; je dis nouvelle parce que du noir on était passé au rose. Elle insinua que l’Empereur mandant son frère, son frère innocent comme un agneau, il fallait absolument que ce fût pour le récompenser, mais récompenser de quoi ?

— “De son immense fortune”, répondit aussitôt Mlle Catherine Maigrelut.

— “Elle a raison”, dit Mlle Julie.

— “Elle a cent fois raison”, murmura Mme Irnois.

— “Me récompenser ? s’écria le richard ; de quelle manière ? On ferait mieux de me laisser tranquille, ventre-bleu !”

— “Je ne serais pas étonnée, mon frère, reprit Mlle Julie, que sa Majesté Impériale voulût vous faire duc ou maréchal de l’Empire ! Vraiment ! un homme si riche que vous, il n’y aurait rien de surprenant !”

— “Vous êtes trois sottes ! cria M. Irnois d’une voix tonnante. Pour devenir maréchal, il faut avoir été soldat ; il me nommera plutôt baron. Enfin n’importe ! Je veux que la peste m’étouffe si je suis bien amusé d’aller parader dans ces Tuileries ! Comment faudra-t-il m’habiller ?”

Ce fut encore une délicate question. On ouvrit et l’on repoussa beaucoup d’avis ; enfin on se rangea au seul raisonnable, qui fut d’appeler le tailleur et de le consulter.