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CHAPITRE III

Le comte Cabarot était un trop fin diplomate pour faire prématurément confidence à ses meilleurs amis de l’espoir charmant qu’il avait conçu. Il gardait au contraire la réserve la plus complète le soir de ce beau jour où l’Empereur lui avait daigné promettre d’intervenir en sa faveur. Mais, malgré cette discrétion, un si complet épanouissement dilatait son laid visage, élargissait sa face plate, que le prince archichancelier, non moins que M. d’Aigrefeuille et autres, ne purent s’empêcher d’en faire la remarque. — “Faites-moi le plaisir de me dire ce qui charme si fort Cabarot ce soir ?” se disait-on.

C’était bien simple : le tendre Cabarot pensait à sa prochaine union avec Mlle Irnois.

Ici quelque lecteur s’imaginera peut-être que le comte, n’ayant jamais vu sa belle ni entendu parler de ses infirmités, se préparait à lui-même une douloureuse reculade. On croira peut-être qu’il n’aurait pas voulu d’une jeune femme dans l’état de la pauvre Emmelina. Qu’on se détrompe ! Il faut ici connaître le comte Cabarot tout entier. Pour six cent mille livres de rente, et même pour beaucoup moins, il aurait donné sans hésiter sa main à Carabosse avec tous les travers de taille et les monstruosités d’humeur de cette fée célèbre. Le comte Cabarot était un homme positif.