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changer, où il trônait en despote, parlant fort, grondant fort, ou rechignant du matin au soir.

Mais ainsi que dans ces vallées étroites, stériles, affreuses, que la nuit couvre d’ombres épaisses, et où le voyageur marche d’un pas chancelant et effrayé, il finit toujours par apparaître quelque clarté lointaine qui vous rend la joie, ainsi, dans l’antre de M. Irnois, il y avait une clarté ; clarté faible et douteuse, il est vrai, mais charmante cependant pour les yeux qu’elle éclairait et qui n’avaient pas besoin d’un grand jour.

Dans cet appartement obscur et maussade, peuplé de gens désagréables, il y avait, comme dans toutes les choses choses humaines, un bonheur où s’allait échauffer le peu de poésie de ces grossières cervelles, un bonheur où se confondaient toutes les affections.

Quel lien commun auraient eu les cœurs de Mlles Maigrelut, de M. et de Mme Irnois sans ce point lumineux de leur vie ? Le cent de piquet sans doute, c’est bien quelque chose, le reversis encore, mais avec la meilleure volonté du monde, ce n’est pas tout ; et ce que le cent de piquet et le reversis ne suffisaient pas à donner de chaleur, de vie et de douceur à ce cercle bourgeois, c’était Emmelina qui le donnait.

Emmelina ! Quand on avait dit Emmelina dans la maison, on avait tout dit : maîtres et valets pensaient tout le jour à procurer à Emmelina la plus grande satisfaction possible. Sans Emmelina, il n’y avait rien, avec elle il y avait tout. Père, mère, tantes, servantes et secrétaire intime riaient, pâlissaient et pleuraient tour à