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quelque nature que ce soit, pourrait arriver à Son Altesse Royale.

— Je le pense bien, mon enfant, répliqua mon père en fumant avec application. Mais il y a en ceci des choses qui ne me plaisent pas.

Il resta un moment pensif, et s’écria brusquement :

— D’où vient cette idée, d’aller, à son âge, s’amouracher d’une Polonaise, voire même d’une Chinoise ! Il a tout au plus un ou deux ans de moins que moi, et encore ! Je sais bien que la princesse est intolérable, pauvre femme ! mais après tout !… Ah ! je ne connaissais pas cette nouvelle équipée, et depuis la rupture de notre homme avec la marquise Coppoli, je croyais que nous étions francs pour le reste de nos jours. Il paraît que non ! Je lui en ferai mon compliment bien sincère ! En ce qui te concerne, je ne vois pas non plus très-clair. Qu’est-ce que c’est que ce goût subit qui te prend pour une étrangère bavarde, prétentieuse, maniérée, dont le système nerveux, toujours surmené, est évidemment dans le plus pitoyable état ! Ces femmes-là t’amusent, toi ?

— Je ne dis pas qu’elles m’amusent ; d’abord, vous exagérez singulièrement les défauts de la comtesse : ou bien elle n’a pas ceux que vous lui prêtez, ou bien elle ne les laisse voir qu’à un degré très-supportable. En tout cas, je ne peux pas répondre à une femme qui m’attire chez elle que je ne veux pas y aller. Et pourquoi n’irais-je pas, puisque, je vous l’assure, je n’en suis nullement amoureux, ni, ce qui est encore plus fort, disposé à le devenir ?

— Je te crois ; pourtant, j’ai une mauvaise idée de tes relations avec cette femme-là. Je n’ai jamais compris, pour ma part, cette manie de rechercher les femmes, excepté pour le strict nécessaire, c’est-à-dire le mariage ! Hors de