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Il s’empressa de placer devant moi plusieurs écrins. Je venais de m’asseoir pour les examiner plus à mon aise, quand je m’entendis appeler. Je retournai la tête et, voyant une dame s’avancer en souriant, je me levai et saluai.

Elle me parut belle. Je reconnus, bien moins encore à sa façon de s’habiller qu’à son air d’assurance, que j’avais devant moi une femme du monde et même une femme à la mode.

— Monsieur Lanze, me dit-elle, je suis honteuse de me présenter moi-même. Pourtant, il le faut ; je suis la comtesse Tonska, et j’ai bien besoin de vous.

Je saluai de nouveau. J’avais, comme tout le monde, entendu parler de madame Tonska. Elle était Polonaise ; on disait le prince régnant très-occupé d’elle et beaucoup d’autres faisaient de même.

— En quoi, madame la comtesse, pourrais-je être assez heureux ?…

— Vous êtes disposé à être aimable, dit-elle en m’interrompant ; ainsi donc, s’il vous plaît, venez demain vers trois heures ; impossible de vous rien expliquer ici ! Nous causerons, vous ferez ce que je souhaite et, après vous avoir admiré de loin depuis deux ans, je pourrai vous remercier et du plaisir passé et du service futur.

Là-dessus, elle me tendit cette main dont la beauté est justement célèbre, serra la mienne et sortit avec les amis qui l’accompagnaient.

J’avais l’esprit parfaitement libre et j’achevai à loisir l’affaire qui m’avait amené, sans retourner la tête, sans me soucier de savoir ce que devenait madame Tonska. Puis, je rentrai chez moi.

En route, l’idée de ma visite du lendemain me revint