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langue du pays où on a l’intention de le déposer. C’est, généralement, l’effort de quelque philologue spécial, doué de plus de zèle que de grammaire. Il en résulte des effets de style dont les littérateurs indigènes sont consternés ; peu importe, la Grâce est censée veiller, et le miracle doit s’accomplir.

D’ailleurs, les distributions se font avec une extrême facilité ; les peuples de l’Asie, un peu rétifs à l’abord, et n’acceptant le précieux volume que du bout des doigts, savent maintenant fort bien le solliciter ; ils en font les commandes les plus considérables. Les Chinois s’en servent en guise de tuiles pour les maisons ; les Persans, plus littéraires, appliquent les reliures à l’habillement de leurs propres livres. Ce n’est de quoi décourager personne. La Grâce peut gîter dans le feuillet détaché que le vent fait tournoyer par les champs et plaque à la fin sur une eau stagnante ; de là il lui est facile, si elle le juge à propos, de sauter aux yeux du premier couly venu pour remplir son seau. Dans cette espérance fort naturelle, nos populations anglaises donnent leur argent, les sociétés bibliques donnent leurs places, les agents vivent à l’aise, et même richement, sur tous les points du globe, et notre corps consulaire recrute dans leurs rangs des représentants du Royaume-Uni, qui, généralement, n’ont aucune des qualités de M. Coxe.

Celui-ci éleva bien ses enfants, fit entrer Georges dans la marine de la Compagnie et maria Molly à un tambour-major du 119e régiment des cipayes du Bengale.

Quant à Harriet… elle consentit à m’apprendre l’italien et le portugais ! Toujours elle était occupée ; chaque fois que j’arrivais, elle avait en main quelque ouvrage ; ou bien elle cousait, ou bien elle rangeait, ou bien elle lisait. Je ne lui ai jamais vu de tapisserie ni de broderie,