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CHAPITRE QUATRIÈME

SUITE DE L’HISTOIRE DU PREMIER CALENDER FILS DE ROI

Le missionnaire n’était ecclésiastique à aucun degré. Issu d’une bonne famille, il s’était mis dans le commerce, où ses goûts ne l’attiraient guère, et y avait mangé son bien. Pour se refaire, il s’était marié à la quatrième fille d’un lieutenant irlandais en demi-solde, et cette excellente femme, sentant, au bout de quelques années d’une existence très-médiocre, que son époux n’avait pas pris en la choisissant le meilleur chemin pour arriver à la fortune, se laissa mourir, sans doute par dévouement, en donnant le jour à Georges. Le malheureux Coxe comprit mal le service éminent que lui rendait la pauvre Kate. De chagrin, il faillit aller la rejoindre. Ses maigres ressources, qui ne provenaient que d’un métier précaire d’agent subalterne d’une compagnie d’assurances contre les épizooties, ne lui permettaient ni un splendide logement, ni un nombreux domestique, dans la petite ville du nord de l’Angleterre où il s’était retiré après son mariage. Il n’avait, pour soigner le baby, qu’une servante de douze ans, de sorte qu’en réalité il en prenait soin lui-même, et, pour montrer les choses sous leur vrai jour, Molly lui était d’une si complète inutilité, qu’il l’eût renvoyée sans doute, et la raison le lui conseillait ; mais que fût devenue Molly, orpheline de père et de mère ?