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cette espèce, ministre protestant ou agent des sociétés bibliques. Celui-ci donnait le bras à une dame complétement cachée par son chapeau de paille à larges bords et son voile vert, et aussitôt que Georges Coxe eut regardé le personnage, il arrêta tout court son cheval, fit signe à un de nos domestiques de venir prendre la bride, mit pied à terre, s’avança vers le vieux monsieur et vers la dame et dit d’une voix posée :

— Bonjour, mon père, comment vous portez-vous ? Harriet, j’espère que vous êtes bien ? Mon père, monsieur Wilfrid Nore ! Wilfrid, mon père ! Harriet, monsieur Wilfrid Nore ! Wilfrid, ma sœur Harriet !

Les présentations convenables accomplies de cette façon avec la tenue de rigueur, Georges continua en ces termes, M. Coxe n’ayant pas prononcé une seule parole, et s’étant contenté de secouer fortement la main de son fils, en levant les yeux au ciel :

— Vous arrivez du pays des Birmans, mon père ?

— Sans nul doute.

— Vous venez résider ici ? poursuivit Georges.

— Assurément ; quand vous aurez le temps, il me sera agréable de vous voir. Je demeure dans cette maison où sont entrés les porteurs. Monsieur Nore, si vous accompagnez mon fils, je vous recevrai avec plaisir.

Je saluai, et nous nous séparâmes. Je n’avais pu découvrir un seul trait de miss Harriet ; seulement, elle était jeune, j’en étais certain, et gracieuse, j’en étais sûr ! Elle était gracieuse, elle était jeune, elle était Anglaise, Anglaise non pas d’Asie, des colonies ou de Malte, mais Anglaise d’Angleterre ! Je me fondais dans une sorte de ravissement intérieur, qui m’ôtait toute force nerveuse. Je