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édifiante fermeté, ne se termina qu’à la mort de l’un et de l’autre. On doit supposer que les générations actuelles ont beaucoup dégénéré de l’humeur belliqueuse de leurs ancêtres, car je n’ai jamais cessé d’être fort lié avec mes cousins qui m’ont donné des marques d’amitié depuis que nous sommes entrés en relations.

Vous autres Français, mon cher Laudon, vous vous êtes fait, de vos voisins d’Angleterre, un type, assurément le plus bizarre et le plus faux et qui répond le moins à la réalité des choses. Pour vous, un Anglais est un être ridicule, manquant de goût, original, dites-vous, mais, de fait, niais dans sa conduite, ne s’habillant comme personne, ne s’amusant comme qui que ce soit et d’une froideur au-dessus ou au-dessous de toute comparaison. Le sentiment des arts lui est à jamais interdit ; si, on objecte que, dans aucun lieu du monde, il n’existe de plus riches collections de statues et de tableaux qu’en Angleterre ; que, nulle part, on n’écrit plus de poésies, vous avez une réponse facile, et vous alléguez couramment les effets de l’orgueil britannique, réponse qui vous semble péremptoire.

Mais, en maltraitant si fort nos grâces, vous nous douez d’une sagesse suprême. Nous possédons, suivant vous, une raison solide qui nous fait d’abord démêler notre véritable intérêt ; on nous connaît la plus belle des constitutions politiques, et notre unanimité à la défendre est complète comme aussi notre soumission éclairée à la loi. Enfin, pour couronner l’édifice, rien n’égale l’amour grave et didactique que nous portons aux êtres légitimement désignés à notre affection.

Ah ! mes pauvres amis, que vous êtes à côté de la vérité ! On découvrirait à peine un Anglais bien élevé exempt de la fureur des beaux-arts, et c’est pourquoi