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CHAPITRE TROISIÈME

HISTOIRE DU PREMIER CALENDER FILS DE ROI

Wilfrid Nore raconta bien à Laudon et à Lanze la vérité vraie sur lui-même, mais il ne leur confia pas toute la vérité. Loin de là, il n’eût voulu pour rien au monde laisser pénétrer personne dans les recoins de son existence personnelle, de sorte qu’il s’en tint uniquement à l’énumération des faits extérieurs. Je dois dire que lorsqu’il eut terminé ce qu’il jugea convenable d’exposer, Lanze l’imita consciencieusement dans ses réticences, de sorte que, pour n’indiquer qu’une partie du terrain principal de leurs réserves à tous deux, on eût pu croire, on eût dû même rester convaincu, quand ils eurent fini, qu’ils n’avaient jamais de leur vie, ni l’un ni l’autre, regardé une femme.

Laudon ne fit pas comme eux. Sur tous les points, il se piqua d’être très-explicite. Mais, comme en ce moment ce qui nous importe, c’est de connaître à un degré égal les personnages de cette histoire, de les connaître à fond, de les pénétrer complétement, de nous emparer de ce qui est à eux et d’eux, nous traiterons, avec le dernier dédain, l’impuissante trahison dont Nore et Lanze ont la prétention d’user ici vis-à-vis du lecteur ; nous irons chercher leurs secrets dans le fin fond de leur âme, dont les contractions sournoises ne pourront rien nous dérober ; nous leur arracherons ce qu’ils veulent retenir, et