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pareil crime. Ce fut alors qu’il se lia avec la marquise Coppoli.

Cette intrigue parvint à la distraire. Il s’amusa, et, comme il n’était pas dans son tempérament d’aimer sans être un peu malheureux, il souffrit aussi, et, pendant ce temps, ne songea pas à Aurore. Mais, quand les circonstances l’eurent séparé de la marquise, et que les regrets commencèrent à s’amortir, il s’aperçut qu’il y avait quelqu’un dans son cœur, et, en regardant, il y trouva Aurore. Alors, il recommença à se raisonner comme il l’avait fait une première fois, repassa tous les arguments irrésistibles qui l’arrêtaient sur la pente d’une passion inacceptable, et tomba dans la tristesse jusqu’au jour où il connut la comtesse Tonska. Il vit là son salut, et, pour sortir du courant qui l’entraînait, il nagea avec vigueur vers la nouvelle lumière et vint échouer sur un rocher stérile. Il y rencontra ce qu’on a vu, les caprices, les hauteurs, les colères, et enfin l’abandon. Quand le calme lui revint et que, du fond de ces ténèbres de tristesse où il avait été plongé, il vit se dégager un ciel paisible, la première étoile qu’il aperçut lui montra encore une fois la figure enchanteresse de la fille de son oncle. Il n’était pas le premier des humains que la destinée eût voué au culte de l’impossible.

— L’impossible ! se disait-il, très-peu de jours avant l’arrivée de Nore et de Laudon ; l’impossible ! mais, en définitive, qu’est-ce que c’est que l’impossible ? C’est ce que je n’atteins pas aujourd’hui ; mais qui me dit que je ne peux pas l’atteindre demain ?

Théodore prit sa tête dans ses mains, et, les yeux fermés :

— Je l’épouserai un jour ! Comment ? Je ne sais pas. Mais elle sera ma femme. Aucune de celles que j’ai cru