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CHAPITRE SIXIÈME

J’ai nommé Aurore Pamina. Je n’en ai pas encore parlé. Elle était grande, mince, svelte, faite à ravir, délicate, souple ; les plus beaux cheveux blonds du monde et des yeux bleus d’une douceur et d’une profondeur infinies, avec cela étonnés et charmants. Un sourire divin éclairait son joli visage. Un air de prendre intérêt à tout, de la grâce dans tout ce qu’elle faisait, dans tout ce qu’elle disait, et un caractère, mélange d’esprit pétillant, de raison, de sensibilité, d’entraînement et de retenue, en faisaient l’être le plus séduisant de tous les êtres.

Jean-Théodore, la première fois qu’il l’avait vue, avait été frappé. Mais c’était sa cousine, c’était la fille de son oncle, d’un homme pour qui l’on avait été si ingrat, et envers lequel il se sentait obligé à beaucoup réparer. Que faire ? devenir amoureux d’Aurore ? Se laisser aller à le lui dire ? Souffrir parce qu’il ne serait pas aimé, et, de plus, se voir méprisé pour une tentative vraiment des plus coupables, ou bien souffrir parce qu’il serait aimé, et perdre, tôt ou tard, de réputation, une créature angélique sur laquelle chacun tenait les yeux fixés ? La méchanceté serait heureuse de la déchirer à belles dents. Il fallait, à tout prix, éviter de pareils malheurs, un