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les êtres étincelants qui, le front couronné de scintillements éternels, se groupent intelligemment dans les espaces infinis, attirés, associés, par les lois d’une mystérieuse et irréfragable affinité. Je sais qu’en dehors de ces astres, l’atmosphère entière, sans en laisser libre et vacant un seul point, est remplie, saturée d’existences invisibles à mes yeux. Tantôt c’est le bolide éteint qui sillonne le silence et va porter dans quelque recoin des abîmes inconnus un reste de matière, un souffle impur de soufre et de gaz délétères ; tantôt ce sont les myriades d’animalcules propagateurs de la peste et du typhus, tantôt les nuages de sauterelles qui, d’un continent à l’autre, promèneront la stérilité, la destruction, la famine et la mort. De toutes ces forces ignobles ou malfaisantes, je ne tiens nul compte ; mon regard, mon affection, mon respect, mon attendrissement, ma curiosité ne s’attachent qu’à ces êtres lumineux entre-croisant leurs pas dans les courbes célestes ; je ne m’associe qu’à ces intimités dont je les vois si occupés : constellations, réunions, groupes, soit fixés, soit errants, cela seul est digne d’admiration et d’amitié, et je trouve bien naturelle et bien juste cette idée présente, toujours, dans tous les siècles, sous toutes les formes de sociétés, sous toutes les conditions d’existence et avec toutes les lois religieuses, à la pensée des honnêtes gens, des gens de conscience et de puissance, des hommes qui savaient penser et exécuter, et qui n’ont jamais manqué en s’isolant de la foule de se qualifier de pléïade.

— Sans compter, ajouta Nore, que s’ils ont omis de le faire, on n’a pas manqué de le faire pour eux. Oui, Lanze, il n’est sage, il n’est bon, il n’est sain que de s’attacher à ce qui vous ressemble et de laisser aller le reste, comme indifférent, ennemi ou dangereux. On peut, à