Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fussent plus magnifiques, le prince, par-dessous main, payait au moins, en partie, les plaisirs qu’on était censé lui procurer.

À la fin de cette saison si bien employée, le prince partit pour Vienne, et de là, poussa jusqu’à Constantinople. Un souvenir vague de ses profusions survit encore en plusieurs mémoires. Bref, Jean-Philippe s’amusa beaucoup, et lorsqu’il se maria, une année après son avénement, les solennités furent tellement splendides, que de longtemps on n’avait ni vu ni appris rien qui pût leur être comparé ; mais aussi, ce fut le coup de grâce pour les finances. Il fallut reconnaître et avouer que l’on était criblé de dettes. Les ressources dont on disposait ne devaient pas couvrir le déficit, et ne servaient qu’à démontrer, par leur triste insuffisance, à quel point la banqueroute finale était imminente.

Lorsque le prince eut compris la situation, il fit ce qu’il avait fait toute sa vie ; il recourut à son frère. Celui-ci, maître d’une immense fortune, était beaucoup plus riche que Jean-Philippe. Il n’avait pas laissé, depuis son renoncement au trône, que d’être souvent blessé par les airs de supériorité qu’affectait à son égard le prince régnant. Très-négligé, son sœur avait saigné au point que ses yeux s’étaient enfin ouverts ; il avait reconnu le bon jugement de son père, et conçu pour Jean-Philippe des sentiments où l’ancienne affection n’entrait plus que comme un souvenir. Cependant, quand l’ingrat, revenant à lui avec inquiétude, lui peignit, rendu éloquent par la peur, la misérable situation à laquelle était réduit, en sa personne, le chef de la famille, et lui montra, dans un avenir prochain, quelque chose comme le déshonneur pour le nom qu’ils portaient tous deux, Guillaume s’exécuta. Il livra ce qu’il possédait et ne se réserva que le strict né-