du cœur, dont vous avez beaucoup trop, je le crois d’une grande infériorité. Ce n’est pas d’ailleurs, il s’en faut, un de ces mortels rares, chez qui la soif de dominer n’est que l’indice de grandes facultés et la promesse d’actions mémorables. C’est un esprit de la catégorie la plus ordinaire ; il est très-vain, dépensier, incapable d’ordre et de suite dans ses projets. Croyez-moi ! il ne serait pas même reconnaissant.
Ce refus avait désolé les deux parties.
— Ne m’abandonne pas ! s’écriait Jean-Philippe suppliant à mains jointes.
Guillaume revint constamment à la charge auprès de son père, et le premier résultat qu’il obtint fut d’inspirer à celui-ci l’aversion et le mépris le plus absolu pour son second fils. Puis à la longue, devant l’invincible obstination de Guillaume, le prince, d’ailleurs affaibli par l’âge, se laissa vaincre et, après une dernière et violente scène, signa le rescrit qu’on lui demandait. Peu de temps après il mourut, et Jean-Philippe devint le maître de l’État.
L’hiver fut cette année, à la résidence, admirablement employé pour le plaisir. Le jeune souverain fit venir d’Italie une troupe d’opéra, et n’y voulut que des sujets de premier mérite. Il manda aussi de Paris une compagnie comique chargée de lui jouer le drame, la comédie, le vaudeville, et s’amusa fort des gémissements poussés par les journaux français, déplorant le départ d’artistes irremplaçables. À force de surenchérir, il enleva au théâtre de Berlin une cantatrice idolâtrée de l’Allemagne entière ; et, grâce à celle-ci, on donna Fidelio à Burbach, comme il n’a jamais été donné nulle part. Puis c’étaient les bals, bals au palais, bals à Monbonheur, bals à l’hôtel de ville, bals chez le gouverneur, bals partout, tous les soirs et deux ou trois à la fois ; et afin que les choses en