plus encore devant la prospérité. Si déjà, au temps des apôtres, on connut des Anania et des Sapphira, combien en vit-on davantage sous les successeurs de Constantin ! Les Pères de l’Église ne ménagent ni leur indignation ni leurs sarcasmes au luxe, à la coquetterie, à la bassesse de cœur des dames chrétiennes ; ils nous les montrent étonnant les villes de l’étalage de leur mollesse et du bruit de leurs scandales. Les grandes âmes étaient rares ici, et chez les païens tout aussi rares. Mais il y en eut dans les deux camps, et c’est à celles-là que je parle, et c’est à celles-là que je dis qu’il faut ressembler ; et c’est comme celles-là que je dis qu’il faut agir ! Travailler sur soi-même, élever ce qu’on a de bon, rabaisser ce qu’on a de mauvais, étouffer ce qu’on a de pire, ou du moins l’entraîner ; voilà désormais le devoir et le seul devoir qui serve.
— En un mot, repartit Laudon en regardant Nore avec un sourire, s’ingénier de façon à compter parmi les Pléiades ?
Nore fit un signe d’assentiment et on raconta au prince les détails de la conversation du lac Majeur. Il y prit plaisir. Son estime pour Nore augmenta à la suite de ces confidences, l’entretien devint de plus en plus intime.
On ne sera pas étonné d’apprendre que depuis que Wilfrid avait conquis le bien que, pendant tant d’années, il s’était attaché à poursuivre, il avait lui-même subi dans son humeur d’assez notables modifications. Son esprit était, dans l’essentiel, resté le même ; mais le fond d’irritation, la contention nerveuse, qui sans cesse agissait sur lui, tout s’était apaisé, amorti, avait cédé devant le succès et l’aspect prochain du bonheur. Dès son retour à Milan, auprès de Laudon, celui-ci avait éprouvé quelque étonnement de ne plus le voir se livrer que rarement à ce courant d’ironie, marque d’efforts constants pour ne pas se