tionneurs d’emplâtres assez ineffectifs, des distillateurs d’opium, de morphine, de chloral et autres panacées soporifiques, et, au bout de quelques mois, de quelques années, ils verront leur patient retomber dans les convulsions. Croyez-moi, Laudon, ce ne sont pas les petits livrets moraux de M. de Gennevilliers et de ses pareils, ni leurs conférences pieuses, ni leurs prédications, ni leurs prédicateurs, qui arrêteront les progrès d’un mal dont le nom seul montre le caractère incurable, car ce mal n’est autre que la sénilité.
— Pourtant, s’écria Laudon, la religion ! La religion n’est-elle pas toute-puissante ? Et si on parvenait à la faire refleurir, ne serait-ce pas d’un excellent augure ? Or, remarquez-le, les églises sont pleines de fidèles ; la foi renaît dans une mesure inattendue… Jamais on n’a montré tant de vénération, et une vénération si générale pour les choses saintes.
— La foi n’a pas sauvé le monde ancien, répliqua le prince en secouant la tête. Lorsque toutes les calamités fondirent à la fois sur l’empire de Rome, le paganisme se trouva plus purifié, plus sage, plus élevé dans ses idées et dans ses dogmes qu’il ne l’avait été à aucun moment de son histoire. Sa morale s’était sublimée, ses croyances s’étaient raffinées ; l’idée d’un Dieu unique, très-bon, très-grand, s’était dégagée de la façon la plus noble du chaos mythologique, et ce n’étaient pas seulement quelques philosophes obscurs, répandant leur éloquence dans les écoles, c’étaient de riches sénateurs, c’étaient d’opulents chevaliers, qui édifiaient le monde par des principes et une conduite également exemplaires. Et pourtant le monde se mourait. La vertu de quelques-uns ne lui rendait ni la vie ni la verdeur, ni l’énergie, ni l’autorité ; il était vieux, lui aussi, il était vieux comme notre monde à nous l’est devenu ;