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Madame Tonska prit un papier sous le coussin :

— Ce sont mes dernières volontés, dit-elle d’une voix douce et ferme. Je regrette de vous avoir connus tous deux si tard. Mais que les desseins de Dieu soient bénis ! Madame de Gennevilliers a dû vous rapporter, monsieur, quelle était la chose à laquelle je tiens le plus ?

Gennevilliers ne se trouva pas la force de parler et fit un signe d’assentiment.

— Merci, monsieur ; vous êtes bon ; vous êtes digne d’elle !… (et elle serra la main de Lucie). Vous trouverez dix mille francs en billets dans cette cassette. Veuillez les remettre à M. le curé de Sainte-Clotilde ; il me connaît ; il emploiera cette somme à dire des messes pour le repos de l’âme de mon pauvre mari. Je sais trop… Mais la miséricorde de Dieu est si grande, et peut-être, au dernier moment, Boleslas a-t-il réfléchi !… Pardon de prolonger cet entretien si peu intéressant pour vous… Mais vous faites le bien, je vous connais mieux que vous ne pensez ; vous êtes de ces hommes courageux et utiles que le monde ne vénère pas assez. J’ai lu vos admirables travaux… Vous prendrez sur l’ensemble de ma succession une somme de cent mille francs pour votre Asile de l’Enfant prodigue… D’ailleurs vous trouverez l’expression de mes volontés dans ce papier. Et maintenant, adieu, ne m’oubliez pas… Lucie, priez pour moi… Monsieur, songez à moi !… Je ne vous importunerai plus !

Elle leur serra la main à l’un et à l’autre et leur fit signe de la laisser. Ils obéirent et se retrouvèrent dans le corridor, en larmes, confondus, hors d’eux-mêmes, et n’ayant jamais imaginé rien de semblable à ce qu’ils venaient de voir et d’entendre. Du reste, ils étaient parfaitement d’accord, désormais, que la comtesse Tonska était un être