Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lucile remercia et partit. Les deux époux déjeunèrent et montèrent ensuite en voiture pour aller à Appenzell, Rhodes-extérieures, visiter un village dont presque tous les habitants font des broderies pour le compte des négociants de Saint-Gall. Ce fut encore une belle occasion offerte à l’homme politique. Il accabla de questions les gens qui l’approchèrent et leur exposa ses théories, ce dont ils furent très-édifiés ; quant à Lucie, elle acheta une robe brodée ravissante et une foule de jolies choses qu’on lui vendit très-cher.

La nuit venue, ils s’en retournèrent, au travers des petits chemins les plus pittoresques du monde, mais aussi les plus rocailleux et dont les constantes montées et descentes n’amusent pas les chevaux. Il faisait sombre tout à fait quand ils descendirent de voiture, et d’abord, on les prévint que madame Tonska serait très-reconnaissante à madame de Gennevilliers si celle-ci voulait bien se rendre auprès d’elle.

Lucie, avec sa prudence ordinaire, se montra peu disposée à accueillir ce qui la faisait sortir de ses habitudes ; elle regarda son mari avec une certaine anxiété. Pour lui, répondant aussitôt à sa pensée :

— Mais, ma chère, vous ne pouvez guère faire autrement, il me semble. D’ailleurs, quel inconvénient y voyez-vous ?

— Je ne saurais que vous dire, répliqua Lucie, et, levant légèrement les épaules comme une personne contrariée, elle se dirigea du côté de l’appartement de la comtesse.

Elle resta une grande heure absente, et Gennevilliers, quelque peu affamé, ne savait comment s’expliquer la longueur de cette conférence et commençait à s’impatienter, quand Lucie reparut. On servit aussitôt. La jeune