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LIVRE DEUXIÈME


CHAPITRE PREMIER

Après la scène avec Conrad, Jean-Théodore avait regagné le château au travers des allées tortueuses du parc anglais, le front baissé, triste, songeur. En entrant dans le petit salon tendu de perse, qui fait suite à son cabinet, il avait trouvé la comtesse. Elle venait d’arriver. Elle était assise sur un canapé. Elle gardait son chapeau, ses gants, et se tenait les mains croisées, regardant droit devant elle.

— Je suis née pour mon malheur et celui des autres, murmura-t-elle, en réponse aux paroles affectueuses de Jean-Théodore.

— Que voulez-vous dire ?

— Je vais vous affliger !

— Mais encore ?

— Quittons-nous et pour toujours ! Je pars dans quelques heures.

— Y songez-vous ?

— Je songe à tout. Je vous aime, Théodore ! Vous le savez. Je ne me le cache pas à moi-même, je ne veux pas vous le taire.

Elle lui tendit les mains. Il les prit et les baisa. Elle