Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne vois pas en quoi les bottes de M. Franier pourraient donner à Votre Altesse ce qui lui manque.

— Ni moi non plus, mais le journal dudit monsieur et la bande de coquins attachée à ses talons ne sont pas des alliés à mépriser ; et Conrad, je veux que le diable m’étrangle si je ne cours pas aux dernières extrémités, plutôt que de continuer à vivre comme je le fais ! Ne prends pas mes menaces pour vaines ! Garde-toi de les mépriser ! ajouta-t-il en levant le bras et devenant rouge comme un coq. J’ai des accointances plus puissantes que tu ne peux le croire ! On me fait, de bien des endroits, deux entre autres, des offres qui, si je les accepte, me donneront une situation bien autre que celle d’un faquin de petit dynaste comme mon frère !

— Alors, pourquoi Votre Altesse ne les accepte-t-elle pas ?

— Tu me demandes pourquoi je veux épuiser les moyens de conciliation avant de recourir à des moyens…, mais, là, des moyens qui ne vous feraient pas rire, vous autres ? Eh bien ! je te réponds que c’est parce que je mettrai jusqu’à la dernière heure le bon droit et les formes de mon côté. Finissons-en ! Tiens ! Écris de suite à Théodore ; il n’est que temps ! Qu’on paye mes dettes…, un million ! Quinze cent mille francs pour moi et je me tiens tranquille ! Sinon, prenez garde à vous, vous et bien d’autres !

Là-dessus, le prince Ernest sortit après avoir donné du poing sur la table.

Lanze était indigné, mais non surpris. L’auguste personnage qui venait de l’honorer de sa visite, de ses confidences et de ses commissions, lui était connu de tout temps. Il crut utile d’avertir son souverain de ce qui se passait et se montra ainsi messager diligent, bien qu’avec de tout autres intentions que celles dont son interlocuteur