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que mon nigaud de frère ne comprendra jamais que le parlementarisme a fait son temps ? que la démocratie est la seule force existante ? que ce qui n’est pas avec elle est contre elle et sera broyé ? que le temps des petits États est fini, archifini, et que l’avenir appartient aux grandes agglomérations d’intérêts ? Voyons ! il ne comprend donc rien ? C’est donc une brute, que ton honoré maître ?

— Monseigneur, repartit Conrad, si Votre Altesse n’a rien à m’ordonner, je lui demanderai la permission de me retirer.

— Un seul mot ! Pourquoi monsieur mon frère ne répond-il pas à la lettre que je me suis fait l’honneur de lui adresser, par la voie des journaux, en faveur des sociétés ouvrières ?

— Je ne lui ai pas demandé et, dans tous les cas, le prince ne me l’aurait pas dit.

— Tu entends, Franier, ce sont tous des esclaves comme celui-là, dans notre pauvre Burbach !

— Ni monsieur ni moi, répondit Franier en grasseyant, nous ne comprenons pourquoi tu t’emportes. Monsieur Lanze, Wœrbeck est un cœur chaud et vraiment humanitaire ; il ne faut pas lui en vouloir et, d’ailleurs, il a reçu une éducation de prince, c’est-à-dire qu’en quoi que ce soit, il ne connaît la vraie façon de s’y prendre.

On eût asséné à Conrad un coup de poing sur la tête qu’on ne lui eût pas fait éprouver une sensation plus odieuse que celle qui l’envahit en entendant un M. Franier tutoyer le prince. Celui-ci n’eut pas l’air d’en prendre le moindre souci, et le publiciste, comme il l’avait appelé, continua son petit discours conciliant.

— Vous êtes artiste, monsieur ?

— Oui, monsieur.