Page:Gobineau - Les Pléiades, 1874.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et je me contentais de le saluer, pensant que nous n’aurions rien à faire ensemble, quand, après une certaine hésitation, il s’arrêta, et me conduisant dans l’embrasure d’une fenêtre :

— Monsieur, me dit-il, voulez-vous me permettre de vous demander votre concours dans l’intérêt de votre père ?

Je fus étonné et mis en défiance par ce début. Cependant je m’inclinai.

— Votre père, continua l’abbé, est un homme meilleur et il a plus de cœur qu’il ne le croit. Malheureusement, il ne sait rien de sérieux, et le moment où il est arrivé…

Il me regarda d’un air grave. Je baissai les yeux et me sentis mal à l’aise. C’est extraordinaire comme ces gens-là ne respectent rien et ne veulent pas être simples !

— Que puis-je en ceci ? lui dis-je un peu sèchement.

— Je voudrais que vous lui parliez de votre mère, me répondit-il.

C’était fort délicat, et je fus choqué de cette intervention d’un étranger dans nos affaires de famille. Il dut me trouver froid ; il me salua et sortit.

Mon père était assez tranquille.

— Je crois, murmura-t-il à mon oreille, avoir accompli ce qui se doit en pareille circonstance. L’abbé reviendra ce soir et je serai en règle. Je t’assure que j’en suis bien aise. Maintenant, laisse-moi te donner un conseil, Louis. Veux-tu me croire ?

— Très-volontiers, répliquai-je.

— Ne t’avance pas trop, continua-t-il, avec une ombre de sourire où se reflétait encore son charmant esprit. Eh bien ! donc, quand tu seras marié, tâche de ne pas faire trop de sottises, hein ? parce que, vois-tu…