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première manche, elle venait de perdre la seconde et elle avait trop de sens pour chercher à se le dissimuler. Aussi ne montra-t-elle aucune humeur, ni en public, ni en particulier.

Mais je m’aperçois que me laissant trop entraîner par le courant des faits, je ne vous ai pas arrêté assez longtemps sur la personne même d’Adélaïde. Il est, cependant, essentiel de vous faire bien connaître cette remarquable créature, et pour la juste appréciation que vous pouvez désirer faire de ce que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, et pour celle de ce qui va advenir. Très belle, très intelligente et d’une intelligence aventureuse et sans scrupules aucuns, outrageusement gâtée par son imbécile de père, pour qui elle avait le plus souverain mépris, absolument abandonnée, même ignorée par sa mère, que des occupations de toute nature absorbaient, Adélaïde avait eu pour unique guide dans la vie sa gouvernante anglaise, Miss Dickson, très sentimentale, très adonnée à la philosophie nuageuse, aimant le sherry, ne détestant pas le grog et se saturant en secret le moral de romans français, capables de faire rougir des gendarmes et qu’elle avait grand soin de passer à sa pupille.

Dès l’âge de quatorze ans, Adélaïde avait su ce que M. de Rothbanner faisait dans la maison et comme Miss Dickson ne lui ménageait pas les commentaires sur ce point, ce que sa jeune tête n’eût pu encore concevoir lui était facilement élaboré et transmis dans sa réalité la plus