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Premier Péché


Hommage Dernier

À la mémoire de Mme G. Comte.


Sur un divan on l’a couchée dans sa toilette blanche, petite mariée d’hier qui dort parmi les roses avec, sur les lèvres, un sourire à peine esquissé. Il flotte sur sa bouche fine, avec une grâce touchante, idéal rayon de la terre qui vit encore dans l’au delà. Elle dort… radieusement jolie, dans sa pose abandonnée, la tête inclinée légèrement, semblant respirer l’arôme qui monte des fleurs pâles, parsemées sur sa liliale parure.

Elle dort !… son sommeil semble doux, léger, un frôlement d’ailes d’ange l’éveillerait peut-être… les cierges jettent leurs reflets blafards sur la dormeuse, prêtant des teintes trop blanches aux petites mains jointes comme dans une dernière prière. Pauvre charmante créature, elle semble tout près de nous, sur son petit lit bas ; si belle dans sa grâce morte, qu’une pieuse tendresse nous incline vers elle pour déposer, au front bien froid, un dernier hommage à cette jeunesse à jamais brisée.

La mort n’est pas toujours cruelle, et en frappant cette jeune femme, elle a eu la délicatesse de ne pas briser l’harmonie gracieuse qui charmait dans sa délicate personne. Elle nous la laisse toujours jolie, et le dernier sourire, dans la tristesse du terrible adieu, a pris une mélancolie qui le rend encore plus séduisant : il exprime un regret, une plainte peut-être. Je suis si jeune et si aimée !

Jeune et aimée, et si vite partir. Mon Dieu ! que la vie a de brutalités ; toujours implacable, elle appelle la mort pour faucher impitoyablement tout ce qui est heureux. N’avoir pas vingt ans, et n’être plus, quand l’avenir devant ses pas s’ouvrait rayonnant, et quand aux sentiers bénis la chère créature avait déjà cueilli des roses. Survint une épine, et trop délicate pour cette piqûre, la jolie petite s’endormit doucement, ne pouvant supporter, fleurette tendre, la première blessure de la vie.

La plaindre ? Le pouvons-nous vraiment, en regardant cette tête radieuse déjà des visions célestes ?

Une telle expression d’extase idéalise la physionomie de la jeune morte, qu’à la regarder si belle d’un rayonnement inconnu, on