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Premier Péché

Veillée de Noël

À un Ami.


Son Noël ! Noël ancien.

Car il l’avait eu son Noël, jour lumineux qui restait dans sa vie brillant de la douce pureté de l’étoile qu’ils avaient regardée, tous deux, ce soir-là, en se rendant à la petite église du village, où, si ardemment ils avaient prié pour leur bonheur, dans l’attendrissement des vieux cantiques qui venaient à leurs cœurs unis avec un rythme plus doux, plus émotionnant… ils en avaient eu des larmes.

C’est que ce soir-là, dans l’ombre du petit salon bien gai, alors que lui admirait sa tête blonde, à laquelle une robe noire prêtait un charme fin et dégagé, il avait laissé son cœur parler. Tous ses trésors de tendresse il les avait mis là, à ses petits pieds, pendant que dans les regards de l’amie, il voulait lire une réponse : « Quand on aime l’âme danse dans les yeux. » Il aperçut dans une prunelle toutes les promesses d’avenir… Il parla : tout son amour lui remontait du cœur, il parla de tous ses silences passés, il parla de toutes ses adorations… elle, écoutait, ravie, la tête un peu penchée, pour mieux voir les yeux gris dégageant toute une lumière. Elle éprouvait une fierté émue d’avoir conquis ce cœur qui jamais ne s’était donné, et dans sa joie il y avait un peu de l’étonnement… Comme il savait parler d’amour, quels accents il trouvait pour dire sa tendresse, cet homme qui jamais ne causait. Elle le connaissait depuis toujours, et souvent en pensant à lui, ne s’était-elle pas dit : Aimera-t-il jamais ?

Et voilà que ce soir il s’offrait tout entier. Que d’amour, il méritait ; elle eut peur, un moment, de n’être pas digne de lui, mais elle n’hésita pas, et en mettant sa petite main dans la sienne, la jeune fille l’aimait… vraiment ? Est-ce que l’on sait bien ?

Dans le petit salon, ils restèrent, ne parlant plus, heureux dans leur extase intime, écoutant encore l’harmonie de tantôt, que l’écho de leurs cœurs renvoyait en notes si douces. Lui, aurait pleuré, pour vider son cœur de tout — même de ses larmes.

Tout à côté, les vieux parents et les petits récitaient, à haute voix, les mille ave, cette psalmodie monotone venait à eux, les berçant dans un murmure pieux.