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Premier Péché

Sur la Tombe d’un Patriote


Arthur Buies n’est plus, et il nous semble impossible que cette figure si originale, cette plume si féconde, ce talent si exceptionnel, soit déjà disparu. Nous le revoyons tous, avec sa belle tête intelligente, ses yeux brillants où pétillait la plus fine raillerie, et cette bouche ironique qui souriait malicieusement, avec des mots spirituels pour flageller nos ridicules. Il avait tant d’esprit, et il savait si bien s’en servir ; il avait des mots charmants, des idées originales, et il nous débitait cela finement, avec des expressions à lui seul, et un sourire qui ne cessait d’être amical.

Tous les journaux ont fait l’éloge de son talent d’écrivain, et ont été unanimes à célébrer son rare mérite ; il était sans contredit notre meilleur styliste ; des études parfaites avaient développé ses ressources intellectuelles à un très haut point, et nous pouvons dire que l’écrivain canadien qui vient de mourir à Québec, est une des gloires les plus brillantes de notre littérature.

Avec lui, la monotonie n’est pas à craindre, nul n’a jamais dormi sur ses chroniques ; oh ! ces chroniques si infiniment spirituelles, un genre si particulier que personne n’a jamais tenté de l’imiter, sentant bien la tâche impossible. Ses volumes de géographie descriptive sont de véritables chefs-d’œuvre ; on y sent l’âme d’un poète vibrer à la poésie de la nature si belle : un amant de la beauté seul pouvait trouver ces expressions enthousiastes pour dire les charmes séduisants de nos contrées superbes.

C’était à une œuvre nationale qu’Arthur Buies travaillait en chantant, barde de notre pays, ses sites pittoresques, ses surprises charmantes, ses mille attraits. Il voulait la gloire de notre Canada, et disait combien il était grand et beau ; il souhaitait attirer des milliers de colons pour habiter les régions enchantées dont il décrivait les merveilles, et puisse-t-il tressaillir d’allégresse dans sa tombe, en voyant notre pays se coloniser rapidement.

Mais la douce tâche de louanger l’écrivain ne m’appartient pas et sur le cercueil de l’époux, du père, de l’ami qui dort là son dernier sommeil, je viens mettre au milieu des roses parfumées, les modestes fleurs de la reconnaissance. C’est un bouquet qui embaume jusque dans la mort : le plus bel hommage d’un cœur qui se souvient.

Un des meilleurs amis de mon père, il n’oublia jamais cette