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Premier Péché

intelligemment progressive, les industries y sont en grand succès, l’on y visite une grande manufacture de pulpe, bâtie au pied d’une énorme chute qui gronde sans cesse en bouillonnant ses blanches cascades ; grâce à ses pouvoirs d’eau remarquables, la ville du Saguenay est destinée à progresser comme centre industriel ; c’est dire que la fortune a des réserves charmantes et généreuses pour les heureux habitants du Nord. Les affaires en général, y sont en plein développement, et les succès sont si remarquables qu’ils donnent, sans doute, un plein bonheur aux Chicoutimiens, un bonheur qui rayonne autour d’eux si aimablement que je suis encore sous le charme de la courtoisie charmante qui nous accueillit dans la séduisante cité.

Il y a tant de franchise, de spontanéité et de grâce dans la façon de vous souhaiter la bienvenue, que l’on est immédiatement conquis par d’aussi agréables manières. Si l’esprit, l’amabilité, la franche hospitalité de nos pères les Français disparaissaient de nos centres tumultueux, on les retrouverait dans la jolie ville si patriotiquement canadienne de Chicoutimi, trop fière de son cachet pour l’altérer jamais. Les Chicoutimiennes sont là pour veiller sur ses précieux trésors, et nulle crainte que rien périsse : ce que garde le sourire d’une femme est bien gardé !

Nous avions aperçu Saint-Alphonse au passage à travers un brouillard de sommeil ; quand il se dissipa, nous étions loin, seulement, nous avions emporté un souvenir de rêve, qui devint une réalité idéale, quand, après une magnifique promenade en voiture à travers les pittoresques sentiers qui mènent de Chicoutimi à la jolie paroisse, nous admirâmes des hauteurs de l’hôtel McLean une splendeur inouïe. De là, la vue est incomparablement belle, c’est un spectacle inoubliable, celui de cette grande baie bleue se jouant au milieu de monstres noirs. Les vagues gémissent leur plainte, ce n’est plus un rire, mais bien un sanglot qui vient à nous, et navre de sa tristesse. C’est beau de cette grandeur qui met des larmes dans les regards, nous éprouvons un besoin de solitude, tout est tranquille autour de nous, la voix de la mer seule se fait entendre, et elle semble raconter une pénible histoire, avec des mots doux et voilés. En bas, la petite église, joli sanctuaire de campagne, dresse son clocher aimé, et à travers les vitraux, nous apercevons le reflet pâle de l’éternelle veilleuse, toujours en adoration, amante au cœur brûlant. À côté, le presbytère, maison bien simple, une de ces modestes résidences comme nous aimons à les voir, dans nos fins paysages, habitées par de grandes âmes dévouées pour les humains, heureuses de semer le bien avec une prodigalité inépuisable. Les cottages, les spacieuses résidences, les maisonnettes se groupent au gré de la fantaisie et forment un coquet coup d’œil. On ne