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Premier Péché

tographie de cette belle héroïne a reçu le culte voué aux images de nos saintes favorites. Car la patrie n’est-elle pas toute une religion, et Maud Gonne, une sainte patriote, elle qui se donne toute au peuple malheureux, elle qui lui sacrifie sa beauté, sa jeunesse, sa fortune, son repos, ses rêves, peut-être… car être jeune, belle, intelligente, riche, Irlandaise, sentir dans sa poitrine le cœur de Maud Gonne… et ne pas rêver… ?

La personnalité de la patriote irlandaise se dégage lumineuse, idéale et fière, et l’on sent tout ce qu’a de juste la cause défendue par une telle femme, héroïne que j’admire pour son dévouement et son courage, et que j’aime, parce qu’elle sait aimer.

Chaque année, avec une piété touchante, et un enthousiasme sacré, au 17 mars, le drapeau vert, portant la lyre qui a chanté tant de tristesses, se déploie sous tous les climats où vivent des enfants d’Irlande. Car la pauvre patrie a donné de ses fils à tous les mondes, ne pouvant les garder sous son ciel ; mais ces fils-là n’oublient pas, et la St-Patrice a toujours et partout son tribut. Cette fête réunit, sous son étendard, tous les Irlandais, c’est celle d’un saint, et protestants comme catholiques la chantent, car cette fête-là, c’est la patrie !

Et même en ce jour, dans la joie manque la gaieté ; le chant irlandais est une tristesse ; et leurs airs sont une plainte aux accents tout à la fois, doux et vibrants. On les écoute et il semble entendre une mélopée lointaine, qui le soir, s’élève des eaux, et qu’au rivage nous recueillons — désespérance confiée à l’infini, et qui tombe dans nos âmes.

Et vous revoyez dans ce rêve musical, une verte forêt, où couronnée de trèfle, la fille de l’Irlande tient sa harpe, pendant qu’à ses pieds sanglote la patrie, humiliée, vaincue, mais fière toujours ! l’Erin est toute une poésie, poésie où chaque vers est un pleur, poésie touchante qui est écrite sur des pages vertes, avec la pluie du martyre ; poésie que j’aime, et dont je baise chaque strophe, parce que là, peut-être, est tombée une goutte du sang que j’ai au cœur.