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Premier Péché

Vierge, qui recevait matin et soir la prière dictée par maman ; on a aussi ôté le portrait de la chère disparue, pour que la petite pût lui donner encore le baiser quotidien ; tout ce qu’elle a aimé, tout ce qui lui a souri, est là, dans cet amas informe, où la frêle créature se tord pendant que se perçoit ce cri d’infinie détresse : Maman ! Maman !

Et du paquet, monte comme un parfum du ciel, l’odeur favorite de la chère pleurée, et la petite oublie que sa maman a laissé dans tous les replis des objets chers à la mignonne, sa senteur d’amour et il lui semble percevoir le frou-frou de sa robe, et sur sa joue humide, le rayon qui sèche tout : le baiser d’une mère !

Et ne sentant rien sur ses lèvres avides, la petite assoiffée de la caresse, dont elle jeûne depuis quatre jours, a une révolte terrible, et étreignant de ses bras mignons, avec une force extraordinaire, tout ce qui de sa vie ancienne est ramassé là, elle le serre sur son cœur frémissant, pendant que les sanglots se pressent dans sa gorge contractée.

Une sensation d’isolement la prend ; elle souhaite mourir, là, dans le linceul de ses premières joies ; à quoi bon attendre sa mère ; pourquoi ne la pas rejoindre ?

Et l’enfant ayant clos ses yeux purs, s’élève vers les voûtes idéales, riant aux anges surpris, pour s’en aller cacher sa joie céleste dans les replis du manteau merveilleux qui rend sa mère plus belle encore.

Sur la terre, son petit corps frissonne des sanglots…

À travers la rangée des lits blancs, une enfant de dix ans s’avance grave, elle aussi blonde, et si jolie. Elle voit la mignonne masse noire abattue sur des malles de nouvelle pensionnaire, et dans ses yeux bruns, se lit une douleur, dont le premier chapitre a été vécu.

Elle s’agenouille, et sur le cou, qui seul est sans larmes, pose sa bouche, dans une douce caresse ; puis elle met sa tête tout près de celle de la petite pleureuse, et leurs chevelures se confondent en la même cascade d’or. Le soleil vient se jouer dans cet éblouissement blond et jette des sourires dans cette première douleur.

Sentant une sympathie tout près d’elle, par un besoin de se confier entièrement, la mignonne pleure plus fort, et des larmes se mêlent aux siennes. Alors, séchant ses grands yeux, elle regarde la douce fée consolatrice. Les deux enfants s’enlacent, dans une grande caresse qui dit : Aimons-nous, puisque toutes deux nous n’avons plus de mère !

Et ainsi unies, sur cet amas informe, elles ressemblent à ces pauvres enfants livrées au hasard de la rue… elles sont livrées au hasard de la vie, cette vie qui n’a pas voulu de leur premier sou-