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Premier Péché

Dernières fleurs

À la petite Yvette.


Pauvre petite !

Elle était tombée dans le nid bien chaud, un jour gris de novembre, alors que les arbres avaient le frisson de leur dénuement et tordaient leurs bras nus, avec la sombre désespérance des joies flétries ; le vent emportait, dans l’infini, les derniers lambeaux de leur beauté, et sous les pas, bientôt, ne monterait plus la plainte mélancolique des feuilles expirantes. Le ciel oubliait de sourire, le soleil de rayonner, et l’on sentait la tristesse de l’adieu dans le sourd sanglot du fleuve ; ses galets en étaient troublés, et les grèves languissantes… écoutaient cette plainte de l’amant…

C’était le mois où tout s’en va et meurt ; la nature avait ses affres dernières, ces convulsions froides qui la couchent dans un tombeau, pendant que sur elle, avec une caresse, tombe mollement du ciel, le linceul glacé. Cela tombe en tourbillons blancs ; ouate fine, gaze précieuse, perles mates… les yeux en sont tout éblouis, le cœur en est tout glacé.

Elle avait choisi ce mois-là pour venir du ciel dans un flocon de neige, petite âme blanche qui voulait prêter à la vie un de ses sourires, et qui garda toujours la mélancolie de l’exil dans la pureté de son grand œil.

Une toute jeune maman avait tendu les bras. Dans une puissante caresse, elle garda sur son cœur la petite créature d’amour venue en novembre, alors qu’il faisait froid au dehors, et qu’au coin du feu il était si doux de chanter les jolies berceuses avec, dans les bras, un nouvel ange.

Ces mères ! Elles aiment de toute leur âme, il semble que tout est pris de leur amour ; arrive un nouvel enfant, surgit une nouvelle tendresse ! Le cœur s’élargit, quand c’est la mère qui veut un miracle ! Et ce miracle-là, elle le répète à chaque renouvellement de la mousseline du petit berceau…

Les draperies blanches étaient tendues, et du flot de dentelles sourit bientôt la petite arrivante… Ce furent alors des extases sans fin. Maman regardait cette jolie chose, avec la surprise émue qu’a l’enfant devant une superbe poupée ; elle se penchait sur le petit être ; et c’était des caresses et des mots doux empruntés à un