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Petite, j’ai douze ans, et mes doigts sont alertes.
Je suis celle qui branle ! Entre les plus expertes
De celles dont les doigts vont, des couilles au gland,
Se promener d’un pas rapide ou nonchalant,
On me cite, et les dieux m’ont donné les mains douces
Par qui le temps n’est plus de ces rudes secousses[1]
Qui mettaient tant de fiel dans l’âme de Ponsard !
Comme des papillons, mes doigts vont au hasard
Des vits enamourés que le soleil relève,
Ô mystères ! l’un est recourbé comme un glaive ;
L’autre est droit ; un troisième est gros et rond. Autour
De plus d’un, j’ai pu voir toute une basse-cour
De morpions grouiller, qui, bêtes innocentes,
Bombaient leur dos velu sous mes mains caressantes.
Je suis celle qui branle ! Et cependant, parfois,
Quand je vois, comme au temps où la sève des bois
Monte et bouillonne et perle à la pointe des branches,
Jaillir des nœuds pressés le foutre en larmes blanches,
Je songe que l’un d’eux, marqué du sceau fatal,
Pénétrera demain dans mon con virginal !


  1. Soit, mais le temps n’est plus de ces rudes secousses :
    Notre œuvre est achevée et veut des mains plus douces.

    F. PONSARD. Le Lion amoureux.