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s’aime ! et comme il est vrai que les plus grandes amours sont composées, minute par minute, de petites aventures pareilles à celle du plat d’étain.

La lettre suivante exprime la même joie, mais réfléchie et méditée, ou, pour dire plus justement, remâchée et savourée :

« Beaumesnil, 7 janvier 1871.

« Nous attendions votre lettre avec impatience, afin de savoir où vous écrire. Ici nous allons tous bien. La joie a fait pour moi plus qu’une année de remèdes. Emma boit de l’eau de goudron comme un ange et ça lui fait un bien dont elle se ressent… »

Je m’arrête et le lecteur s’arrêtera avec moi pour sentir tout ce qu’il y a de charmant et de pénible dans l’illusion de ces deux êtres excellents qui s’aiment, qui vont mourir, atteints du même mal, et qui, heureux l’un par l’autre, se croient l’un et l’autre sauvés. Mais se trompaient-ils tant, après tout ? Est-ce que les heures d’amour ne sont pas les seules qui comptent dans la vie ? Qu’importe que