Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De juges, d’avocats, tous gardés à carreau.
Puis la ligne était là, d’ailleurs ; mais le bourreau !
Je l’avais désigné, le matin, en moi-même
Comme devant payer pour tous. Sa face blême
Était gravée au fond de mes yeux. Il allait,
Tranquille, comme si nul ne le harcelait
Des fantômes saignants lui réclamant leur tête,
Comme un bourgeois paisible à la démarche honnête,
À la chasse aux oiseaux, sur le bord de r étang
Qui de Biguglia jusqu’au Golo s’étend.
Je le suivis dans r ombre. Il chantait ! Douce et lente,
Sa romance guidait la marche nonchalante
Du cheval dont le pas régulier le berçait.
Il réparait le nœud mal coulant d’un lacet,
Car le fusil fait peur à ces mains lâches. Comme
Il passait le torrent saint Pancrazzio, l’homme
Fut saisi par dix bras solides. Nos amis
Nous voyant arriver tous les deux, s’étaient mis
À l’affût dans les joncs, et comptaient avec joie
Chaque pas qui faisait approcher notre proie.
Il pâlit. Il resta muet, la bouche ouverte,
Comprenant qu’on avait bien décidé sa perte,
Et que rien ne pouvait nous fléchir. Ses genoux
S’entrechoquaient, ses yeux devenaient rouges. Nous,
Immobiles, riant, nous le regardions faire.
« Il devrait, cependant, nous dire s’il préfère
Recevoir une balle ou bien être pendu, »
Fit Sarrochi.
« Tais-toi. Nous avons attendu