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Et c’est Pierrot, enfin ! le spectre blanc qui laisse
Les destins, à leur gré, gouverner l’univers,
Et fort tranquillement s’assied avec mollesse
Au rebord des chemins sous les feuillages verts.

Ils vont où les conduit leur libre fantaisie,
Sages voyant la vie à travers leur humour,
Suivant la route en fleurs qu’un Dieu leur a choisie,
Insoucieux de tout, hormis du seul amour !

Ne vous étonnez pas de leurs façons galantes :
Fatalistes ainsi que des Orientaux,
Ils ont laissé le soin aux brises nonchalantes
De disposer les plis flottants de leurs manteaux.

Leur gaîté primitive a des accents farouches,
Le mot cru, rimant juste, est chez eux triomphant ;
Pourtant, rien n’a flétri le rose de leur bouche,
Et leur rire sincère est un rire d’enfant.

Voici qu’ils vont conter leur chanson amoureuse,
Accueillez-les ; soyez cléments, et laissez-leur
Poursuivre dans les airs leur course aventureuse
Avec le rossignol et le merle siffleur.

Songez qu’ils ont gardé leur jeunesse éternelle
À travers trois cents ans lumineux traversés,
Et que la muse encor les couvre de son aile. —
Messieurs les violons, maintenant, commencez !