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Ni tes yeux n’éveillaient mon être. Oh ! non ! mon âme,
Mon âme, qu’enivrait ton cher parfum de femme
T’aimait, et n’aurait pu dire pour quel motif.
Tout en nous était chaste, innocent et naïf.
Nous ignorions qu’il pût exister en ce monde
Une autre joie, une autre ivresse, plus profonde
Que de se regarder en silence et d’avoir
Les yeux mouillés de pleurs, tous deux, rien qu’à nous voir !
Mais, puisque, obéissant au destin qui m’emporte,
Je suis loin du pays et que te voilà morte,
Que mon cœur inquiet a pu s’ouvrir après
Avoir longtemps gardé ton souvenir si frais,
Qu’il reste entre nous deux, ce chant de la jeunesse !
Que nul, excepté nous, jamais ne le connaisse !
Et si, devant le calme affecté de mon cœur,
L’indifférent au rire agressif et moqueur
Prétend que rien en moi ne s’agite, angélique
Amoureuse, ton nom, ma plus sainte relique,
Ton nom que je répète alors que je suis seul,
Comme je le chantais auprès du vieux tilleul
Autrefois, ton doux nom, montant jusqu’aux étoiles
Où tu viens, ombre triste, agiter tes longs voiles,
Ton doux nom, dit si bas que nul ne l’entendra,
Ô trépassée auguste et chère ! te dira
Qu’on ment, et que toujours dans les choses banales
J’ai gardé la pudeur des amours virginales !