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L’amour a double face, en agitant ses ailes,
Lui redit les serments oubliés, les aveux
Tendres qui le faisaient prendre en pitié par celles
Dont sa main caressait doucement les cheveux.

Il lui fait voir comment, après chaque rencontre,
Il est revenu blême, en pleurs, le front pâli,
Et la Gloire, fantôme ironique, lui montre
Ses vers avec dédain voués au noir oubli.

Il tourne son regard suppliant vers la Muse,
La compagne, du moins, de ses mauvais destins ;
Mais la Muse elle-même est dure, et se refuse
À courir avec lui les sentiers incertains.

Morne alors, et sentant une sourde épouvante
L’envahir et figer dans ses veines le sang,
Navré, seul, au milieu de la brume mouvante,
Le poëte anxieux s’écrie en gémissant :

« Dieux bons ! est-ce la mort à la fin qui m’arrive ?
Mes bras ne peuvent plus jusqu’à vous s’élever ;
Comme un vaisseau perdu, je vais à la dérive,
Et je ne sais plus vivre et ne sais plus rêver !

Quel était donc mon but, ô malheureuse vie
Que je traîne depuis si longtemps avec moi,
Et comment se nommait la chimère suivie
Parmi la solitude inféconde et l’effroi ?